La fin de la politique zéro Covid conduit les gérants à regarder de nouveau le dossier chinois. L’économie du pays devrait bénéficier d’un rebond de la consommation des ménages. La Bourse a d’ailleurs déjà acté une partie de cette nouvelle positive depuis le début de l’année. Principal bémol : le risque géopolitique, qui freine les ardeurs des investisseurs.

Depuis le mois de novembre 2022, les marchés actions chinois ont enregistré un rebond significatif, de l’ordre de 20 %. « La fin de l’année a connu un revirement lorsque le gouvernement chinois a levé la plupart des restrictions liées au Covid, que les politiques industrielles sont devenues plus favorables aux entreprises et que certains progrès ont été réalisés pour atténuer les tensions géopolitiques », résume Jimmy Chen, gérant du fonds Comgest Growth China, dans une note publiée fin janvier.

De fait, l’économie chinoise apparaît en décorrélation complète avec le reste du monde. « Alors que partout l’économie ralentit et les politiques monétaires se durcissent, la Chine est le seul pays qui accélère en 2023, souligne Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management France. Ainsi, nous anticipons que la croissance va passer de 2,7 % en 2022 à 0,7 % en 2023 dans les pays développés, alors qu’en Chine, cette dernière évoluera de 3 % à 5,5 %. »

Un dynamisme également observé par Xavier Chapard, stratégiste à La Banque Postale Asset Management. Dans un papier du 6 mars, il indique que « les PMIs chinois atteignent des plus hauts depuis 10 ans en février, suggérant que la reprise est plus rapide et plus forte qu’anticipée grâce au rebond de la demande domestique et à la stabilisation de l’immobilier. »

Malgré ce rebond boursier constaté au cours des derniers mois, il reste du potentiel selon les gérants spécialisés. « Selon nous, le rallye de réouverture n’était qu’un premier pic, indique Elizabeth Kwik, Investment Director Asian Equities chez abrdn. Nous nous attendons à ce qu’une reprise en plusieurs étapes stimule progressivement la consommation intérieure et profite à un certain nombre d’autres secteurs, notamment le tourisme et les voyages, les soins de santé, les banques et même l’immobilier. »

La Chine bénéficie en effet de plusieurs facteurs positifs qui devraient profiter aux investisseurs.

Un rebond de la consommation attendu

A commencer par des valorisations encore attractives alors que les révisions des profits ont déjà eu lieu. « Les multiples de price earning (PE) sont de 10 fois les bénéfices pour les douze prochains mois alors que leur niveau historique se situe autour de 12 », constate Xiadong Bao, gérant actions émergentes chez Edmond de Rothschild Asset Management.

Pour Pictet, ces niveaux de valorisation, sans être extrêmement bon marché, ne reflètent pas le différentiel de croissance entre la Chine et le reste du monde.

Or le pays va bénéficier de la fin de la politique zéro Covid, qui mettait l’économie sous pression, d’autant que l’arrêt des confinements se déroule sans créer de gros problèmes sur le plan sanitaire.

Le retour à la « vie normale » semble s’opérer de façon progressive. A l’heure actuelle, certains indicateurs de mobilité ont déjà retrouvé leurs niveaux d’avant Covid, mais d’autres sont encore en deçà, à l’image des vols domestiques. « Nous nous attendons à ce que la dynamique des bénéfices continue de s’améliorer et se reflète progressivement dans le prix des actions de ces sociétés », confie Elizabeth Kwik.

La consommation, en particulier, devrait repartir à bonne allure, soutenue par un excédent d’épargne accumulé ces derniers mois. « Les ménages ont peu consommé depuis deux ans, alors que le rythme de progression de la consommation est de 6 % par an en temps ordinaire, analyse Frédéric Rollin. Il existe donc un retard de consommation important, qui devrait être rattrapé. »

Autre élément porteur, la Chine profite de politiques plus favorables aux entreprises, après une phase marquée par la répression réglementaire. « On le constate au travers du relâchement de la pression que subissaient depuis deux ans les plateformes technologiques, comme en témoigne la finalisation récente de la recapitalisation d’Ant Financial, note Jimmy Chen. De même, la délivrance de licences de jeux a repris en avril après un gel de huit mois, Tencent et NetEase ayant reçu des agréments pour de nouveaux jeux à partir de septembre. »

Côté immobilier aussi, les choses semblent s’apaiser, le gouvernement se montrant plus souple par rapport aux règles d’endettement édictées en 2020.

La devise en soutien

En 2022, pour gagner de l’argent, il fallait miser sur le dollar.

Mais selon une étude Atlantic Financial Group, la devise américaine a commencé à lâcher du lest depuis le début d’octobre 2022, avant de se reprendre légèrement en février. La volatilité semble être de retour sur le marché des changes. « Le dollar fléchissant, la plupart des autres devises sont mécaniquement amenées à s’apprécier. Parmi les principaux bénéficiaires, l’euro semble un favori naturellement désigné », indique la société financière.

Mais toujours selon cette étude, parmi les devises ayant pris du retard face au dollar, trois autres sortent du lot : le dollar canadien, le franc suisse et le yuan. « Le yuan chinois a déjà commencé à profiter du soutien des autorités budgétaire et monétaire, et de la fin de la stratégie zéro Covid, mais les cambistes n’ont pas encore intégré l’avantage compétitif que génère la faiblesse de l’inflation en Chine, estiment les auteurs du rapport.

En deux ans, selon l’approche de la Parité de Pouvoir d’Achat, la valeur d’équilibre du CNY a progressé de + 7,2 % face au dollar, tandis que le taux de change a chuté de 8,4 %. Pour combler cet écart, il faudrait que le dollar s’échange contre 5,86 yuans. » A l’heure où nous écrivons ces lignes, un dollar vaut 6,97 yuans.

Le secteur immobilier en soutien ?

A plus long terme, les gérants voient donc des catalyseurs supplémentaires.

Ainsi, le marché immobilier pourrait se stabiliser, voire rebondir. « Les ménages chinois sont toujours aussi friands d’immobilier et nous pourrions voir, dans un second temps, un redémarrage de ce marché », estime Frédéric Rollin.

Selon Aberdeen, les perspectives d’emploi et de revenus devraient s’améliorer grâce à des politiques accommodantes, ce qui devrait être de bon augure pour la reprise d’une croissance soutenable, d’autant que le pays ne connaît pas de problème d’inflation. « Notons que l’attention portée à court terme par le marché aux opportunités de réouverture directe signifie que d’autres opportunités peuvent être négligées », souligne Elizabeth Kwik.

Pour aborder ce marché, la sélectivité s’impose toutefois. « La première phase de rallye, où tout le marché monte sans distinction sur le thème de la réouverture, est terminée, convient Xiadong Bao. Désormais, il faut être sélectif et identifier des sociétés qui vont réviser leurs perspectives bénéficiaires à la hausse. »

La thématique de la consommation est prisée par le biais des marques de luxe, mais aussi des liqueurs, ou encore des cosmétiques, voire de la santé. « Les marques de prestige sortent plus fortes de la pandémie, car elles ont réussi à développer des canaux de vente sur Internet sans dégrader leur image de marque », remarque Frédéric Rollin.

Comgest évoque des dossiers comme ceux d’Anta Sports, Suofeiya et Focus Media, « qui sont leaders dans des domaines tels que les vêtements de sport, les meubles sur mesure et la publicité ».

La Chine, un géant des énergies vertes

La technologie est également prisée.

« Il faut trouver des segments avec une cyclicité unique, relate Xiadong Bao. Par exemple, le cycle de renouvellement du smartphone est passé de 2,5 ans en moyenne à 3-4 ans avec le Covid.

Si les Chinois retrouvent du pouvoir d’achat, ils vont renouveler leur téléphone, ce qui nous conduit à favoriser les fabricants de composants, mais aussi toutes les sociétés liées au smartphone. »

Plus globalement, certains grands acteurs tech, qui ont souffert de l’environnement réglementaire ces dernières années, pourraient sortir leur épingle du jeu, à l’image de Tencent. « Nous pensons que les lancements de nouveaux jeux, l’amélioration de la confiance des consommateurs et les perspectives optimistes pour les investissements technologiques chinois devraient aider cette année 2023. De même, la monétisation de sa plateforme vidéo pourrait donner un coup de pouce supplémentaire », stipule Jimmy Chen.

La Chine est aussi un pourvoyeur de grands noms dans le domaine des énergies vertes (batteries, panneaux solaires, véhicules électriques…).

« C’est une tendance de long terme qui a bien fonctionné par le passé et nous avons observé un mouvement de consolidation sur le secteur qui nous conduit à réinvestir dessus », rapporte Xiadong Bao.

Enfin, le gérant d’Edram regarde aussi les entreprises d’Etat dans les domaines des télécoms et les services publics, qui versent de généreux dividendes. « Nous prenons des participations très limitées en tant qu’investisseurs internationaux, tout en cherchant les meilleures valeurs répondant à nos critères ESG », poursuit Xiadong Bao.

Le risque géopolitique freine les ardeurs

Si les gérants se montrent constructifs sur ce marché, ils n’en demeurent pas moins prudents, car le risque géopolitique reste un obstacle.

« Depuis cinq ans, le conflit est de plus en plus facial avec les Etats-Unis », commente Frédéric Rollin.

Le rôle de la Chine dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine est également scruté de près.

Mais l’heure semble être à une pause dans les tensions. « Bien que les tensions bilatérales se soient récemment intensifiées en raison de l’incident du ballon-espion au début de l’année, nous pensons que les deux pays reconnaissent que leurs économies sont fortement imbriquées, avance Elizabeth Kwik. Ils sont conscients que toute forme de conflit, direct ou autre, aurait des conséquences désastreuses pour les deux pays. »

Des soubresauts ne sont néanmoins pas à exclure. « Cela va amener un bruit constant dans le marché pour les 6 à 12 prochains mois, indique Xiadong Bao. Cela peut conduire à des corrections sur le marché, mais si nous estimons que la situation reste gérable alors nous pourrions profiter de ces bruits pour nous renforcer. »

Dans ce contexte, les gérants pourront difficilement compter sur un retour massif des flux de capitaux pour porter les valorisations.

 

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