Le contexte de l’année 2017 aura été quasiment parfait pour les marchés actions, avec une accélération de la croissance économique au niveau mondial, le maintien d’une inflation modérée, des conditions financières stimulantes – grâce notamment à des politiques monétaires toujours très accommodantes dans l’ensemble – et un faible bruit politique.

2018 devrait voir cet alignement de planètes se dérégler quelque peu, avec un retrait des liquidités de la part des banques centrales, une stabilisation des taux de croissance de l’activité économique et un peu plus d’inflation, notamment aux Etats-Unis mais pas seulement.

S’oriente-t-on pour autant vers une correction significative et durable des marchés actions ?

Nous ne le croyons pas, même si nous pensons qu’une certaine prudence se justifie à court terme en raison du réajustement probable des anticipations. Or nous savons tous que les phases de transition sont souvent source de volatilité accrue.

Historiquement, on constate que les « bear markets » actions sont rarement endogènes. Si l’on essaie de faire une typologie des grands marchés baissiers sur le long terme, on trouve les facteurs déclencheurs suivants, au demeurant non exclusifs l’un de l’autre :

  • Une récession économique : nous en sommes encore loin. Les indicateurs avancés de l’activité pointent vers une croissance mondiale toujours robuste en 2018, autour de 3.5% en volume, synchrone géographiquement et équilibrée sectoriellement, avec en particulier le soutien de l’investissement des entreprises et la reprise du commerce mondial ;
  • Un choc inflationniste (suivi d’une le plus souvent d’une erreur de politique monétaire, à savoir un relèvement trop agressif et mal anticipé des taux d’intérêt) : c’est la fin la plus commune des cycles boursiers. Là encore, nous en sommes très loin. L’inflation devrait se retourner à la hausse au cours des prochains mois, mais restera modérée en comparaison historique. Par ailleurs, les banques centrales sont plus enclines que par le passé à accepter un peu plus d’inflation à court terme.
  • Un choc déflationniste. Un tel choc est généralement consécutif à un désendettement forcé des ménages et/ou des entreprises (« déflation par la dette »). Assez rare mais dévastateur, l’exemple le plus récent en est la crise de 2008. Il faut surtout surveiller l’évolution du marché du crédit en Chine, ce dernier montrant récemment quelques signes de fébrilité. Mais les autorités chinoises semblent disposer des marges de manœuvre nécessaires pour gérer dans le temps le désendettement de leurs entreprises et limiter la croissance des hors-bilans. D’autres poches de dettes existent ailleurs et sont à surveiller : crédits étudiants ou auto aux Etats-Unis par exemple, mais ces derniers ne présentent pas le caractère systémique de la dette hypothécaire des années 2000. Les entreprises américaines se sont aussi ré-endettées mais la charge de leur dette reste modérée. Ce réendettement est donc source de fragilité, mais il ne s’agit pas d’un catalyseur de bear market en l’absence de ralentissement économique fort et/ ou de remontée des taux d’intérêt.
  • Un choc géopolitique majeur : il est en effet difficile d’imaginer l’absence de correction boursière forte (bien que probablement temporaire) en cas de guerre contre la Corée du Nord ou en cas de guerre entre l’Iran et l’Arabie Saoudite par exemple. Mais il s’agit là d’un facteur de risque difficile à intégrer dans un scénario central.

Les catalyseurs traditionnels ne semblent donc pas ou peu pertinents dans le cas présent.

Ceci dit, le cycle actuel étant  atypique, il peut se terminer de façon atypique. Une de ses particularités aura été le gonflement des bilans des banques centrales : on peut donc craindre que la réduction de leur bilan – et en particulier celui de la Fed en 2018 – soit source d’une hausse de la volatilité. Cela étant, la Fed a d’ores et déjà annoncé clairement sa politique, ainsi que son échéancier. Par le jeu des anticipations, les taux longs américains auraient déjà dû se tendre et le stress aurait déjà dû monter dans la zone dollar : or nous n’avons vu ni l’un ni l’autre.

Quelles conclusions tirer de cette analyse ? Dans un contexte de volatilité ultra-basse et de valorisations plutôt élevées, les droits à l’erreur sont extrêmement limités et les déceptions sur les résultats annoncés par les entreprises se paient cash. Les prises de profit actuelles sur les marchés sont logiques et saines. Elles vont libérer des points d’entrée. En l’état actuel, il est peu probable qu’elles débouchent sur un vrai bear market actions. L’environnement global reste plutôt favorable aux actions : nous sortons progressivement d’un monde où les tensions déflationnistes latentes font place à des forces reflationnistes plus affirmées. La hausse des marchés repose désormais largement sur la hausse des bénéfices des entreprises, elle-même fruit d’une croissance économique correcte. Sauf à supposer une éventuelle contamination de la sphère réelle par la sphère financière et/ou un éventuel éclatement d’une crise de crédit en Chine, la dynamique vertueuse à l’œuvre en 2017 devrait perdurer en 2018, mais avec moins d’intensité. En revanche, 2018 devrait voir une rotation au niveau à la fois des secteurs et des styles d’investissement. L’appétence pour les secteurs de croissance à valorisation élevée devrait diminuer et se reporter vers les secteurs plus orientés Value et Qualité.

 Emmanuel KRAGEN

Stratégiste Cross Asset

Kepler Cheuvreux – Investment Solutions

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